Yusra Mardini était l’une des 10 500 athlètes présents cet été aux JO de Rio au Brésil. Mais ce ne fut pas une athlète comme les autres: elle faisait partie de l’équipe spéciale des réfugiés, équipe qui constituait une première dans l’histoire des JO. Retour sur le parcours de celle qui a dû nager pour survivre dans les eaux de la mer Égée avant de nager dans le bassin olympique.

Yusra Mardini (18 ans) a vécu un rêve éveillé ces derniers mois. Il y a un an encore, la jeune Syrienne fuyait son pays afin d’échapper à la guerre qui sévit là-bas depuis un peu plus de cinq ans maintenant, afin de rejoindre le vieux continent. Cet été, elle a eu la chance d’être sélectionnée parmi 42 athlètes pour constituer l’équipe des réfugiés aux JO. Elle a disputé le 100m papillon et le 200m nage libre.
Avec elle: 5 Soudanais, 2 Congolais RDC, 1 Éthiopien, et un autre Syrien, nageur lui aussi, un marathonien, cinq coureurs de demi-fond et deux judokas. Plus impressionnant encore que cette sélection, c’est son histoire qui impose le respect : la jeune fille est une véritable héroïne et une source d’inspiration pour de nombreuses personnes.
La traversé de la mer Égée: la nage de la survie…
Ayant grandi à Damas, la nage elle a ça « dans le sang ». Entraînée par un père maître-nageur dès l’âge de trois ans, elle était considérée comme un grand espoir de la natation syrienne, bénéficiant même du soutien du comité olympique syrien. Puis la guerre éclate dans son pays au printemps 2011. Après avoir vu leur maison être détruite, Yusra et sa sœur, Sarah (20 ans), comme de nombreux autres syriens, ont pris la décision en août 2015 de quitter la Syrie, laissant derrière elles leurs parents.
« Trois heures et demie dans de l’eau froide. »
Après être passées par Beyrouth et Istanbul, elles ont embarqué à Izmir, su la côte turque, à bord d’un canot pneumatique à destination de Lesbos en Grèce. Conçue pour supporter 7 personnes, cette embarcation a pris le large avec 18 personnes à son bord. Naturellement, le pneumatique a menacé de couler à la demi-heure passée. Sans hésiter, Yusra et sa soeur, ainsi que deux autres personnes, se sont jetés dans les eaux de la mer Égée. Nageant d’un bras chacune, tenant de l’autre les cordes de l’embarcation, elles ont ainsi passé trois heures dans l’eau et ont remorqué le canot à destination, sauvant de la noyade les 14 autres personnes à bord. Elle explique sur le site du CIO: « Nous n’étions que quatre à savoir nager. J’avais une main attachée à la corde du bateau tandis que mon autre main et mes deux jambes étaient en action. Trois heures et demie dans de l’eau froide. Votre corps est comme tétanisé. Je ne sais pas comment décrire ça. Je me souviens que sans nager, je n’aurais sans doute pas survécu à cause de l’état de cette embarcation. C’est un souvenir positif pour moi. »
La rencontre avec son entraîneur, et sa sélection
Arrivées en Grèce, les deux sœurs ont poursuivi leur la route durant vingtaine de jours, traversant la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche, avant d’arriver finalement à Berlin, en Allemagne, où elles seront accueillies dans un foyer. Là, un interprète égyptien met Yusra en contact avec le club de natation Wasserfreunde Spandau 04 et son futur entraîneur, Sven Spannekrebs. Celui-ci, impressionné par la discipline de celle qui s’entraînait sept fois par semaine à Damas en temps de guerre, expliquait à l’agence AP: « Elle est très concentrée, sait se fixer des objectifs et organiser sa vie autour. Son niveau d’organisation est presque allemand. » Avec Sven, Yusra visait une sélection pour Tokyo 2020. Sa sélection aux JO de Rio a donc constitué une grande surprise, mais a également provoqué une grande médiatisation autour d’elle, ses exploits de la mer Égée ayant rapidement fait le tour du globe.
Une source d’inspiration pour les autres
Aux JO, Yusra a terminé première de sa série au 100m papillon. Cela ne lui a pas permis de rapporter une médaille, mais son passage lors de ces jeux est une magnifique source d’inspiration pour de nombreuses personnes. Consciente d’être devenue un symbole, elle déclarait lors d’une conférence de presse à Berlin avant les Jeux: « J’aimerais que tous les réfugiés soient fiers de moi, je veux leur montrer que malgré les difficultés, nous pouvons atteindre nos rêves. »
On peut dire que c’est chose faite.
« Nous n’avons pas choisi de quitter nos pays. Nous n’avons pas choisi cette appellation de réfugiés. Nous faisons à nouveau la promesse que nous allons faire ce qu’il faut pour être une source d’inspiration pour tous. »
Yusra s’inscrit parfaitement dans la lignée du Baron Pierre de Coubertin, rénovateur des Jeux olympiques, qui disait « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu. » Yusra s’est battue et Yusra se battra encore.
Aujourd’hui la jeune femme vit en Allemagne avec sa sœur, son père et sa mère les ont rejointes. Plus tard, elle espère devenir pilote.